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 © Masnystoria 2012
Références: Archives municipales de Masny
Annuaires statistiques du département du Nord
  
Gérard COURTECUlSSE
Secrétaire général de mairie honoraire
Membre de la Commission historique du Nord

Fin décembre 2001
... Passe la désolation...
A l'extrême bout du village, à la limite des champs de la « Jondrée », dans le pignon de la dernière fermette on a ouvert la niche... et saint Roch prend place...
[ Puissent perdurer ces témoins des tourments d'une communauté villageoise du XIX° siècle,
humbles oratoires sur le fronton desquels la lumière des aurores découvre, un instant, en lettres scintillantes la poignante invocation implorée par les aïeux :
     « A paste, a bello, a fame, libera nos Domine ! »
(De la peste (du choléra) de la guerre, de la faim, délivre-nous Seigneur !)

          ... Recours si désuet ? ]
    Cependant, le bacille-vibrion, suivant son étude bactériologique, se révélait
 « relativement fragile ». 
En effet, la réhydratation par bains chauds et absorption de boissons et aliments salés et acides, le réchauffement du corps afin de pallier la chute de sa température externe, auraient sauvé beaucoup de ces infortunés laissés à la merci de la terrible maladie.

    La « Statistique départementale » relatant l'hécatombe fait état, en ce qui concerne l'arrondissement de Douai, de 3.612 cas dont 1.691 décès et 1921 « guérisons depuis l'invasion ».
Mais la bactérie pathogène du choléra ne fut identifiée qu'en 1884 par le fameux médecin allemand Robert Koch (Son patronyme étant demeuré attaché au microbe de la tuberculose) et la mise au point d'un vaccin spécifique n'intervint qu'en 1892.
    Il n'est alors guère étonnant que le 3 juillet 1884, il soit fait application à Masny des dispositions recommandées par l'administration centrale « contre les maladies cholériques ».
Figurent entre autres exigences, dans l'arrêté municipal, au libellé pour le moins réaliste et sans ambiguïté :
« Les murs des chambres et des cours intérieures devront être blanchis au lait de chaux; le bas des murs exposés à l’humidité seront goudronnés...
Les cabinets d'aisance seront munis de portes fermant bien...
les lunettes des sièges devront avoir un tampon en bois...
Il est interdit de se servir de tonneaux enfouis dans le sol et remplaçant les fosses en maçonnerie. .. »,.
en novembre suivant :
« Il est de nouveau prescrit de curer les ruisseaux et rigoles d'écoulement ».
Ces décisions réglementaires, pour quelque impératives qu'elles se présentaient, se concevaient comme les garants de la survie des populations rurales qu'elles protégeaient malgré elles.

A ces actes émanant d'autorités temporelles, correspondaient les grâces demandées à l'Autorité spirituelle.
Sollicitations sous la forme de prières ou d'implorations de nature concrète, individuelles ou collectives comme l'édification d'oratoires, privés généralement accessibles au public ou paroissiaux ouverts sur l'extérieur,
    Telle la « chapelle Saint Roch » pré-commentée, qui renferme la statue de ce serviteur de Dieu, Montpelliérain de la première moitié du XIV° siècle, en habit de pèlerin, tunique relevée avec, à ses côtés « son » chien un pain entre les crocs.
-  C'est au retour de sa pérégrination à Rome que Roch contracta la peste. Réfugié en forêt, il fut régulièrement ravitaillé par un brave chien chapardeur. Rentré en sa ville, en proie à la guerre civile, et pris pour un agitateur, il se retrouva en prison. Il devait y mourir, oublié, un lustre plus tard- ­


Tel le petit sanctuaire (récemment restauré par deux bénévoles) érigé alors aux confins du bourg, route de Montigny, en 1850 sous le vocable de « Notre-Dame de Bon-Secours » par la famille Duparloir, ayant eu la douleur de perdre deux de ses membres les 14 et 18 août de l'an d'abomination précédent.
  
« La barbarie et le choléra morbus » - Lithographie extraite de l'ouvrage «Les malheurs des temps» sous la direction de J. Delumeau et Y. Lequin - ­Larousse- 1987
     Quoique corrompant tant l'agriculteur, le tisserand, le meunier que le manouvrier, le « croq'teux » (tailleur de grès) ou la fileuse, la bactérie arquée s'acharne plus singulièrement sur les obscurs, les humbles, les modestes, ménagers (ou « cinsiers à brouette »), journaliers, mendiants.
Elle taille des coupes sombres parmi les jeunes foyers et ceux achevant leur vie de labeur. Ainsi,
-   en douze jours, une famille d'ouvrier-mineur, les Joyan, est-elle anéantie :
. le 2 août, âgée de trois ans, Marie s'en va à une heure du matin...
. précédant de cinq jours sa maman, Angélique, 34 ans...
. qui emmène avec elle, à six heures du matin, son dernier-né de six mois.
. Le 12, Victor, onze ans, suit...
. n'abandonnant que vingt-quatre heures, Pierre, son père de 42 ans.
     Le 13 août, à cinq heures du matin, ils sont tous réunis!

-  ... passent de vie à trépas du 12 au 18 août:
. Nicolas Després, 50 ans, valet de charrue;
. le bébé de treize mois, Marie-Thérèse, quatre jours après;
. et juste dans les quarante-huit heures suivantes, l'épouse et mère, Virginie, 26 ans.


-  ... suffisent quatre jours pour engendrer, là encore, une détresse sans nom:
. le 1° septembre, à trois heures après-midi, expire à cinquante-sept ans, Marie Augustine Charlon-Silvert, sachant sa fille de dix-huit ans et son mari de cinquante-cinq ans touchés par l'implacable mal. . .
. qui, le 4, emporte Rosalie à six heures du matin et Jean-Baptiste à deux heures de l'après-midi.

-  ... une indicible affliction due à un fol espoir:
. le 21 septembre, s'éteint Marie-Anne Dewailly-Canon, cultivatrice de soixante-six ans.
. Vingt-neuf jours plus tard, l'infection se dissipant, succombe à l'âge de vingt-deux ans, son fils, Louis.
Reste le père, Antoine, seul avec son désespoir.

    Au terme de l'année, le choléra a quitté la bourgade. Il y laisse de cruelles souffrances dans la plus totale consternation.
Le « Fléau de Dieu » a abattu près de seize « Masnysiens » sur cent.
Il faudra attendre 1865 pour retrouver une population équivalente, 950 âmes... soit seize années.

    1849 et le choléra prennent donc fin quasi-simultanément. Mais le typhon pestilentiel a tué près de cent quarante personnes en la localité.

L'agent en est le vibrion cholérique ou « bacille virgule» transmis à l'homme par l'eau contaminée ou les résidus fécaux.
D'où un risque absolu en campagne à une époque de multiples fossés à ciel ouvert collectant les immondices, et dans les classes sociales les plus défavorisées, en raison du manque d'hygiène, des habitations impropres, de la malnutrition, de la consommation d'eaux douteuses, du manque ou du surcroît de travail.
    En 1827 et 1829 déjà, le premier magistrat municipal, clairvoyant, constatait, à l'attention de son sous-préfet :
« Les indigents se nourrissent d’un peu de pain, de beaucoup de pommes de terre et d’eau...
Les causes (des maladies) sont (chez eux) le manque de nourriture et sa mauvaise qualité, la malpropreté, la promiscuité...
Les fossés et courants charrient des eaux assez limpides et lentes...
Les eaux servant de boisson sont un peu claires [ !] ... »


    La « Santé Publique » s'organise, au niveau départemental, autour des « Conseils de salubrité d'arrondissement » créés en 1828 et des « Comités cantonaux » formés en décembre 1848 selon le vœu du Conseil général. Tous deux se préoccupent spécialement
«... des moyens d’assistance... des secours nécessaires... à procurer aux personnes atteintes d'une maladie épidémique... des mesures à prendre pour combattre (ces) maladies... des moyens d’améliorer les conditions sanitaires des populations industrielles et agricoles... »
En sont membres à Douai, en qualité de docteurs en médecine, MM Lequien, Duhem, Bagnéris père et fils (médecins des épidémies), Gronnier, Tesse, Reytier (médecin à l'Hôtel-Dieu), Fontaine, Escalier, Gelez (chirurgien de l'Hôtel-Dieu), Mangin, Watelle, Faucheux.
Se dévouaient dans et pour le secteur minier d'Aniche, le Dr Buisson à Auberchicourt, M. Couplet, officier de santé à Lewarde.

    La Faculté fait montre d'une méconnaissance légitime de cette « pathie » qui, bien loin d'elle, règne à l'état endémique dans son bouillon de culture antédiluvien des Indes...
      -Plaie que le Bengale devait déifier sous les traits de «Manasa» déesse souveraine contre les morsures de serpents et les affections corporelles-
 ... qui se dissémina dans le monde entier notamment par le vecteur de la navigation à vapeur.
Dans ses« Mémoires d'outre-tombe », Chateaubriand questionnait :
«Qu’est-ce que le choléra... ce fléau sans imagination...
Qu'est-ce que cette grande mort noire, armée de sa faux, qui... est venue... (des) bords du Gange, nous écraser aux rives de la Seine sous les roues de son char...».
      Nous avons, professionnellement voulu connaître plus amplement les effets de cette calamité en notre localité qui comptait, alors, 925 habitants.
Et nous nous sommes penché sur les registres d'état civil et paroissiaux de cette année de prédilection pour « la camarde».
Dès les primes feuillets, nous avons été confondus par l'horreur que nous y trouvions, nous incarnant littéralement en « greffier de mairie » de ce temps maudit, secoué par un effroi rétrospectif.
Une émotion irrépressible nous saisissant, une fervente pensée s'en partait de notre esprit vers celle ou celui qu'évoquaient les constats de décès ou de sépulture.
Comme un martyrologe, se succédaient interminablement sur les actes officiels, de fin juillet en une courbe ascendante s'infléchissant en septembre pour s'effacer en novembre, les mentions : « ... est décédé(e)... » puis « ... a été inhumé(e) dans le cimetière de ce lieu...»...
-  le 27 juillet, une cultivatrice de 63 ans,
-  le 29 juillet, un bûcheron de 25 ans,
-  le 31, à 1 heure, 3 heures, 7 h. du matin : un « ménager » de 47 ans, deux enfants de 12 et 9 ans.

-  Le 7 août, trépassent cinq malheureux, de 34 ans, 6 mois, 52 ans, 27 ans, 32 ans, respectivement fileuse, ménagère, journalier, cultivateur.
-  le 16, le maire, Constant Fiévet et le curé, M° Louis Du Brune, enregistrent six déclarations.
-  le summum de la désolation est atteint le 29 août avec ses huit décès;
-  le 30, avec cinq;
-  le 31 avec huit...

-  le 1°septembre et ses cinq;
-  le 7 et ses six.
-  Le 8, un seul;
-  le 9, trois encore.
Le mal régresse ensuite mais à raison d'une ou deux victimes par jour jusqu'au 27 du mois.

Octobre « n'en reprend » que quatre : au début (9 mois), à la quinzaine (22 et 47 ans), une à son dernier jour (4 ans).

Quant à novembre, il ne fait « passer » qu'un presque nonagénaire, mais surtout quatre pauvres nourrissons de 31,24, 13 et 9 mois.
Geste de conjuration chassant le démon de l'épouvantable « mortalité » qui sévit en nos terroirs..
Signe et manifestation de piété accomplis le jour même de la fête de ce saint populaire grand protecteur contre les maladies contagieuses. Et l'ardente supplication à lui et au Ciel adressée :
  « Du typhus et des épidémies,
  « Des atteintes du choléra, Délivrez-nous Saint Roch. »
  
1849 – J’AI REVECU L'HORREUR du « CHOLERA  MORBUS »



      Au Carnaval de 1832 les enfants s'effraient avec « Nicolas Morbus » et « Scélérat Morbus ».

     « L’invasion du choléra morbus épidémique a eu lieu dans le Département du Nord en septembre 1848... » précise l' « Annuaire Statistique 1850 du Département ».
De Dunkerque, la véritable pandémie couvrait en quelques mois notre territoire septentrional.
Etaient contagionnés LILLE, HAZEBROUCK, DOUAI et VALENCIENNES en décembre; CAMBRAI en janvier 1849.


     «L’an 1849, le 16 août, a été bénite par le Doyen soussigné (de Douai Notre-Dame) la chapelle de Saint ROCH tenant au mur du presbytère ».
   A TRAVERS L'HISTOIRE REGIONALE

   DEPARTEMENT du NORD
   ARRONDISSEMENT de DOUAI
   CANTON de DOUAI-SUD

à  MASNY

passe en 1849 l'épidémie de CHOLERA


Gérard COURTECUISSE    
Commission Historique du Nord  
Décembre 2001 - Février 2012